Missole I & II : Vers la mort programmée du « zoua zoua » ?

Le ravitaillement des vendeurs se fait rare dû à l’instabilité sociale du Nigéria. Et le prix initial de ce carburant frelaté double au fil des jours au grand désarroi des potentiels clients.

 

Missole I et II. Cette bourgade est située à une vingtaine de kilomètre venant de la capitale économique. Sur l’axe lourd Douala-Yaoundé. L’activité féminine dominante ici est la vente du carburant frelaté. Lequel est plus connu sous l’appellation de « zoua zoua ». Depuis quelques jours, l’activité semble perdre de sa valeur. Et l’attitude qu’affiche Mme Mingolé en cette matinée du jeudi 12 janvier 2012 est bien expressive. Elle est assise à même un tabouret sous un parasol au grand carrefour. La mine effarée et le bras droit soutenant son menton. Derrière elle, sous un abri, un bidon de 20 litres à moitié-plein, attend d’être transvasé. Sur son étal de commerce, l’on dénombre une sixaine de bouteilles d’une capacité d’un litre et demi. Chacune d’elles contient un liquide jaunâtre. « C’est du zoua zoua que nous vendons aux chauffeurs pour leur voiture ou moto. Il coûte entre 500 Fcfa et 650 Fcfa selon les périodes. C’est ça qui nous permet d’acheter aussi les choses en ville ». Dit-elle, sans détourner le regard évasif, dans un français saupoudré de langue maternelle. Un prix très abordable à celui de la pompe. A en croire les conducteurs de mototaxi présents au carrefour Missole I ou Pk 30.

Selon Monique, une vendeuse du carburant frelaté surfant sur la trentaine, ce carburant provient du Nigeria. Il est livré par des grossistes. Seulement, depuis le début des troubles sociales et interreligieuses, la livraison se raréfie. Et les inquiétudes sont montées d’un cran depuis la fermeture des frontières entre les deux pays. « Ce zoua zoua fait partir des derniers stocks que nous avons au magasin. Avec la situation qui persiste, nous serons obligés d’augmenter le prix », souligne Monique. Encore en projet, l’idée de Monique est d’ores et déjà mise en exécution par Massock P. Le litre de « zoua zoua » oscille entre 700 et 750 Fcfa selon la personne. Ce commerce s’exerce à leur risque et péril. Car, les stocks achetés sont conservés dans les domiciles à la merci des enfants et d’éventuels incendies. Pour justifier leur geste, Massock P. s’interroge : « Quelle activité s’exerce sans risque ? Il n’y a pas de magasin public ici pour garder nos bidons. A la maison, il n’y a pas les risques de vol. Et je peux servir un client à toute heure sans attendre qu’un gardien vienne m’ouvrir la porte ».

Clientèle réduite

Si le carburant frelaté se raréfie ici, les prix commencent à flamber. Et le nombre de clients journaliers décroit également. La preuve, « je pouvais, en tant normal, facilement avoir 25.000 Fcfa à la fin d’une journée. Maintenant, quand tu réussis à avoir 10.000 Fcfa, sache que tu t’es levé du bon pied. C’est trop difficile maintenant. Il faut que cette situation cesse le plus tôt possible », souhaite Henriette. Du côté des conducteurs de la ligne et des mototaxis, le ravitaillement se fait de plus en plus dans les stations services. Car, « les prix sont restés identiques. On achetait le carburant à Pk 30 parce qu’il était moins chers. Maintenant qu’il augmente, je préfère aller à la station », explique le nommé Acteur. Cette situation laisse à croire que le carburant frelaté en provenance du Nigeria et vendu dans ce village, transite par le septentrion. En attendant, le « zoua zoua » souffre le chaud et le froid à Missole I et II.

Frank William BATCHOU

A Missole