Bienvenue au tribunal
Qui peut croire qu’au XXIe siècle, le tribunal de première instance d’un arrondissement comme Makak se trouve encore sous une véranda ? Incroyable, pourtant vrai. C’est la première image qui attire l’attention du nouveau venu dans cette ville. Vendredi, 4 septembre 2009, une foule de personnes est regroupée près d’une véranda. A l’approche, on aperçoit écrit en gras et en noir sur la voûte : « Le tribunal ». Bien décoré par la mousse qui y pousse tout autour et sur la dalle. Juste en-dessous, les couleurs nationales dessinées sur le mur ont perdu de leur clarté. Tant le mur est fendillé et vétuste. La broussaille a envahi le site. Sous la véranda, les responsables de justice ici présentes sont constituées uniquement de femmes (Présidente de tribunal, Procureur, Greffière, traductrice…) et assises sur des chaises faites en plastique. Une dizaine d’audiences est annoncée au menu. La barre où se place le plaignant est déjà cassée et c’est avec peine qu’on remarque qu’elle a été peinte dans le passé avec une chaud de couleur blanche.
La centaine de personnes constituée de plaignants, accusés et de curieux venue assister aux audiences est soit debout soit assises à même les mauvaises herbes. Derrière ce collège de femmes de justice se trouve une grande salle où l’on peut voir un tableau et quelques bancs. Sur le battant des deux portes qui donnent accès dans cette salle, il est écrit sur « Municipal », « Législatif ». « C’est dans cette salle que nous été appelés à voter lors des dernières élections municipales et législatives au Cameroun. Après ça, on continue à assister à nos audiences sous cette dalle. On n’a aucun problème », souligne Justin Njock venu assister aux audiences. Et de poursuivre : « Ces femmes qui président ces audiences sont des nouvelles. Nous ne les connaissons pas encore. Surtout qu’elles quittent Eséka pour venir juger les gens ». Selon madame Lissouk, quand il pleut, les gens sont obligés de s’entasser comme des sardines sous la dalle juste à l’entrée et les audiences peuvent se poursuivre. « Ceux qui n’ont pas de place ou qui sont mouillés sont obligés de trouver refuge ailleurs. Les audiences poursuivent leur cours normalement. Elles s’arrêtent uniquement au cas où la pluie est violente et mouille les responsables de la justice et les dossiers des gens. Si c’est pour nous autres, c’est une question d’habituées. Cela ne nous gène plus », ajoute-t-elle.
Après investigation, un octogénaire nous révèle que ce tribunal de première instance de Makak situé à équidistance entre la Mairie rurale, la Sous préfecture et les rails qui traversent cet arrondissement, est installé sous cette véranda depuis plus de quarante années. « Si mes souvenirs sont exacts, le tribunal coutumier a aussi siège à cet endroit. C’est donc une continuité en attendant que les pouvoirs publics nous construisent un tribunal digne de ce nom comme dans toute ville ou tout arrondissement », espère-t-il. Jusqu’au moment où nous quittions la ville, les audiences se poursuivaient encore. Difficile de discuter avec les responsables de cette justices.
Frank William BATCHOU
à Makak